Elégance et caractère, les maitres-mots des vins du Domaine de Grangeneuve
En ce début d’année 2021, les abonnés Trois Fois Vin, de la box « Buissonniers » ont pu découvrir (comme toujours) une superbe cuvée : les « Vieilles vignes » 2017 du Domaine de Grangeneuve, situé en pleine Drôme Provençale. Henri et sa fille Nathalie Bour font vivre des vins d’une élégance folle sur l’appellation confidentielle de Grignan-les-Adhémar. Rencontre avec une vigneronne engagée, et clairement amoureuse de son terroir.
Nathalie Bour, comment est né le domaine de Grangeneuve ?
Le domaine a été créé par mes grands-parents Odette et Henri Bour. Ils sont arrivés en France en 1964 en ayant tout juste quitté l’Algérie où ils étaient déjà vignerons. Ils sont arrivés dans l’hexagone avec les poches vides puisqu’ils ne possédaient que des biens fonciers qu’ils ont laissé sur place. Leur seule richesse? Leur équipe, avec laquelle ils travaillent déjà en Algérie. Ils s’installent donc en 1964 dans une ferme du XVIIIe dans laquelle nous habitons encore aujourd’hui. L’installation a été très longue, puisque la première vendange n’a été possible qu’en 1974. Au départ, la ferme était entourée de 35 hectares de chênes truffiers. Mes grands-parents ont donc dû arracher toute la partie boisée en profondeur. Mal enlevé, ce système racinaire aurait pu être très polluant pour les futures plantations. Odette et Henri ont dû laisser les terres en jachère durant de nombreuses années avant de pouvoir enfin planter et vendanger.
Comment travaillaient vos grands-parents en Algérie ?
Au départ, mes grands-parents ne vinifiaient que deux cuvées alors qu’ils avaient beaucoup plus de surface qu’en France, environ 400 hectares. Toute leur production revenait dans l’hexagone en citerne pour être achetée par des négociants et après être mis en bouteille sous différentes marques.
Les premières années, en France, vos grands-parents avaient-ils de quoi vinifier ?
Non, ils n’avaient pas de cave de vinification. Ils apportaient leur production à la coopérative locale, La Suzienne, au pied de l’université de Suze-la-Rousse. Sauf qu’ils se sont vite rendu compte que cela n’était pas ainsi qu’ils souhaitaient travailler. Ils ont donc tenté d’emprunter un petit peu d’argent à la famille et ont eu leur première cave de vinification en 1978 pour vinifier un rouge et un rosé. Le travail qui a été développé ici en France, était très différent de celui en Algérie. Dès le début, ils ont ouvert au public et nous avons toujours beaucoup écouté les retours de commentaires de dégustation.
Le domaine de Grangeneuve est sur un des plus beaux terroirs de l’appellation de Grignan-les-Adhémar, combien d’hectares possédez-vous ?
Grignan-les-Adhémar aujourd’hui, c’est 1960 hectares de vignes au cœur de la Vallée du Rhône. Nous possédons 85 (vignes et terres) hectares, nous faisons partie des gros domaines. Mes grands-parents étaient les pionniers de l’appellation de l’époque, Coteaux du Tricastin. Cette appellation a changé de nom en 2010, pour devenir l’AOC Grignan-les-Adhémar.
Comment s’est déroulé la passation entre vos grands-parents et votre papa Henri ?
Après le décès de mon grand-père, ma grand-mère a continué l’aventure jusqu’au bout de sa vie. La famille se composait ensuite de 4 enfants, mon père et trois sœurs. Elles ont toutes travaillé sur le domaine mais à des périodes différentes. Mon père a repris ensuite le vignoble il y a 20 ans. Il a fait beaucoup de bien au domaine à tous les niveaux mais aussi et principalement dans la diversification de l’encépagement.
Puis vous avez pris part également à l’aventure par la suite ?
Je suis arrivée il y a 15 ans pour donner un petit coup de pouce au niveau du marketing vu que c’était mon métier à la base. J’ai un frère également qui vit en Espagne. Papa s’occupe aujourd’hui principalement de la production.
En chiffres, que représente le Domaine de Grangeneuve en 2021 ?
Aujourd’hui, nous avons un joli domaine de 20 salariés, avec une production de 400 000 bouteilles environ à l’année. Nous produisons 70 % de rouge 10 % de rosé et 20 % de blanc sur une offre assez bien structurée, divisée en trois gammes.
Comment avez-vous rencontré Marie-Dominique Bradford de chez Trois Fois Vin ?
Nous nous sommes rencontrées il y a deux ans, au salon des Vignerons indépendants à la porte de Versailles, à Paris. Toutes les bouteilles que nous avons proposées chez Trois Fois Vin font partie de la gamme classique la plus représentative du domaine.
Que représente pour vous, une diffusion de vos cuvées dans une box telle que Trois Fois Vin ?
Trois Fois Vin c’est fabuleux, c’est du recrutement pur et dur. Nous allons toucher des gens qui n’auraient pas osé déguster une appellation qui n’est pas très connue. Nous nous rendons bien compte que notre clientèle vient beaucoup du bouche à oreille. La fidélisation est superbe. Je trouve génial que les gens aient la curiosité de se faire envoyer, 2 ou 3 bouteilles tous les mois, en faisant confiance à quelqu’un qui fait une belle sélection pour eux, sur un créneau prix très intéressant.
Les abonnés de la box Buissonniers du mois de janvier 2021 ont pu découvrir la cuvée « Vieilles vignes » 2017, comment vous l’a qualifiée ?
Nos vins sont intenses, profonds, fruités, gourmands, mais assez souples et soyeux dans les tanins. Pour la petite histoire cette cuvée « Vieilles Vignes », c’est la préférée de mon papa. C’est le meilleur vin de notre gamme classique. Il a un potentiel de garde magnifique. Mais c’est surtout l’évolution de ce vin qui se complexifie dans la garde qui m’intéresse. Il est très pur, c’est un vin qui a besoin de temps pour s’ouvrir, et qui ensuite est juste une magnifique surprise. C’est une parfaite équation entre Syrah et Grenache. Les raisins sont issus des vieilles parcelles du domaine qui ont environ 30 ans. Chaque cépage est vinifié en parcellaire. La Syrah est souvent charnue, avec une première bouche très ample et gourmande et le Grenache aura tendance à être un peu plus sec avec une belle longueur, une petite pointe d’acidité et une structure tannique intéressante. La combinaison des deux fait un bel entrelacement.
« Vieilles vignes » le nom est très classique finalement ?
Oui, nous n’avons pas souhaité chercher plus loin. C’est un nom classique qui représente le plus le côté racé et la qualité du terroir.
À la dégustation, comment est cette cuvée ?
Nous avons un vrai découpage fruits noirs, fruits rouges. Le côté garrigue, floral, sans aucune aspérité sur la fin et une longueur qui laisse présager d’une très belle garde.
Qui laisse présager une belle garde, mais peut-on le déguster avec plaisir dès à présent ?
Quand il accompagne un repas, on y prend beaucoup de plaisir dès maintenant. Il a un bel équilibre. Il a le charme de tous les grands vins. Pour moi, cette cuvée est idéale pour un sommelier puisqu’il s’adapte à tout. Comme par exemple une jolie viande rôtie, sans trop de préparation ou bien au contraire une viande qui aura une longue cuisson avec un fond de sauce voire un apport d’épices. Nous, nous le conseillons beaucoup avec une épaule d’agneau cuisinée à la Méditerranéenne ou un canard en magret. Si vous recevez du monde à la maison et que vous ne connaissez pas trop les goûts en termes de vin, c’est un peu le passe-partout avec élégance. Comme la petite robe noire d’une femme dans une armoire, on devrait toutes en avoir une et on peut la rendre chic ou un peu plus passe-partout.
Vous faites partie de l’association « Femmes Vignes Rhône » qu’est-ce que cela représente pour vous ?
Notre association créée en 2004, comporte 33 femmes membres. Nous tentons de réaliser un salon professionnel par an et des événements aux particuliers dans le Rhône. Nous trouvions que les femmes dans le vin, et particulièrement aux yeux des particuliers devaient trouver une vraie place. Quand les femmes ont un poste décisif, que ce soit au niveau de la vinification, de l’assemblage, de la commercialisation ou de la stratégie de marque, cela reste encore très surprenant pour certains. Non, la femme ne fait pas que de l’administratif ! Certaines font tout ! De la mise en bouteille, à la cave, les vinifications, le marketing, le commercial… Nous sommes très complémentaires les unes des autres et cette association est un véritable réseau d’entraide, de conseil et d’information. Il y a encore plein de choses à faire.
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