Un London cru « made in England »?
Les camions ont déversé les grappes sur les tables de tri. Elles ont ensuite lentement glissé dans la presse qui a livré un beau jus violet, laissant un arôme de fruit bien mûr remplir toute la salle. Ce jus fermente aujourd’hui dans les cuves inox qui s’alignent contre les murs ou dans des barriques en chêne et donnera, dans quelques mois, le premier vin produit…. à Londres ! London cru, la première cave de vinification londonienne ouverte à l’automne dernier, attire déjà des centaines de visiteurs qui peuvent ainsi observer, bien loin des régions de production, toutes les étapes de fabrication du vin.
Un simple vin de la communauté européenne
Gavin Monery, créateur du lieu et vinificateur en chef, a ainsi déjà remporté la partie pédagogique de son pari, imaginé alors qu’il débutait sa carrière dans les vignes de son Australie natale. Son parcours professionnel l’a ensuite mené autour du monde, chez Cullen Wines, Moss Wood et Jean-Louis Chave. Il espère maintenant prouver qu’un vin exceptionnel peut être produit à une telle distance des vignes d’où proviennent ses raisins. Il garantit déjà qu’il sera intéressant puisque son cru londonien s’affranchit de toutes les règles d’appellation : les raisins proviennent de différentes régions. Le premier vin produit à Londres sera en effet un simple « vin de la Communauté Européenne». L’entreprise est soutenue par Will Tomlinson ainsi que Cliff Roberson, fondateur de Roberson Wine, qui a ouvert son carnet d’adresses de viticulteurs.
Les raisins proviennent principalement de France et sont fournis par Jeff Coutelou du Mas Coutelou, William Jonquères d’Oriola du Château Corneilla et Jacques Lurton du Domaine de la Martinette. Les premières livraisons n’ont cependant pas pu être toutes assurées : les grappes, trop mouillées par des pluies récentes, n’auraient pas supporté le voyage d’environ 36 heures. Le London cru 2013 comportera donc une partie de raisins italiens, du cépage barbera, qui ont remplacé le merlot et le sauvignon trop fragiles. Le vinificateur prévoit déjà d’importer des raisins de Grèce, d’Espagne et d’Allemagne et espère bien, une fois que sa marque sera plus visible, pouvoir utiliser également des raisins anglais. Il a privilégié des domaines prestigieux pour ses premiers approvisionnements mais de nombreux viticulteurs, parfois initialement sceptiques, lui ont proposé de participer à l’aventure .
Si les premiers crus seront assez classiques, utilisant des assemblages de cépages traditionnels pour faire appel à des repères familiers pour les consommateurs, Gavin Monery envisage déjà des mélanges plus inhabituels, plus risqués pour les prochains millésimes…