Ah bon, mais pourquoi les Soldes ?
Historiquement, les Soldes servaient à destocker les invendus de collections précédentes. Ils (oui, les soldes sont masculins, sinon, il s’agit de la paie des soldats) permettaient de s’offrir des vêtements, des chaussures, de la maroquinerie, de la vaisselle, des meubles dont la fabrication avait un certain coût et dont le prix de vente freinait l’ardeur des acheteurs au porte-monnaie plus ou moins maigrichon. C’était avant la GD, la « fast fashion », avant l’obsolescence programmée, avant les réseaux sociaux, bref, c’était à la préhistoire de la consommation.
Les soldes avaient également un pendant langagier : « le rossignol ». Le rossignol était l’erreur de parcours d’une collection, le pull en mohair vert « caca d’oie », les escarpins mauves à fleurs moutarde et talons bobines, la lampe « design » fluo, le saladier en grès beige avec des petits lapins peints à la main, bref, un truc monstrueux que des stylistes avaient osé imaginer et que des boutiquiers optimistes avaient vendu par dizaines, mais (hélas pour leur trésorerie) pas par centaines.
Pour faire un peu de place dans les échoppes et laisser s’étaler les nouvelles collections, on sacrifiait la sacro-sainte marge et on cassait les prix.
Les Soldes au XXIème siècle
Les années passant, les délocalisations aidant, fabriquer des pulls en mohair, de la vaisselle et des smartphones est devenu un jeu d’enfant. Sans jeu de mot. Les coûts de fabrication ont plongé, les fabricants n’hésitant pas à multiplier les contorsions pour fabriquer toujours moins cher. Les marges ont grimpé (voire explosé) et les prix ont baissé (ou pas). Magique. Les consommateurs modestes des pays « riches » ont pu (enfin) se payer des jolies choses et les enseignes où faire des affaires se sont mises à pulluler. Les amateurs de shopping ont pu donner libre cours à leur frénésie dépensière, et certaines marques se sont installées dans un confort de 1ère classe, utilisant l’argent économisé sur le dos des ouvriers sous-payés pour communiquer à grands frais.
Les Soldes sont devenus le moment où le consommateur peut, en fonction de sa forme financière, acheter un peu, beaucoup, énormément de ces choses tant désirées. Miraculeusement (pour les vendeurs), ils sont aussi un temps commercial fabuleusement lucratif.
Et le vin dans tout ça ?
Difficile de trouver un point commun entre un verre de Saint Chinian et une petite culotte en polyester « made in China ». Ou alors, peut-être sa couleur rubis…
Certes, certains breuvages sont aussi affligeants que du soda, et leur fabrication n’a rien à lui envier (ou presque) mais pour la plupart des vendeurs passionnés, il n’est pas question de les proposer à leur clientèle, même si cela pourrait leur permettre de gagner beaucoup d’argent. Exit donc la possibilité de les brader à tout va quand les arrêtés préfectoraux décrètent que c’est le bon moment.
Evidemment, à certains moments, le caviste a besoin de libérer de l’espace surtout s’il a vu trop grand quand il a passé certaines commandes. Il arrive aussi parfois que quelques cartons de petit vin blanc dont le millésime commence à dater aient besoin de trouver preneur, et il n’est pas facile de vendre du rosé en novembre, surtout s’il affiche une année antérieure à 2010. Alors, oui, certains cavistes barrent certains prix.
Mais plus le caviste sera exigeant dans ses sélections, plus il privilégiera les viticulteurs discrètement géniaux, moins la philosophie des Soldes sera compatible avec sa façon de travailler.
Quand on considère que la fabrication d’un vin est un art, il n’est pas question de jouer avec les promotions. La qualité a un coût et faire croire le contraire au consommateur deux fois par an ne fait pas partie de nos choix !
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