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Moins d’alcool, même résultat ?

pictogramme Thermomètre

UN VIN MOINS ALCOOLISÉ SANS PERDRE NI FRUIT NI CONCENTRATION ?

Ce n’est pas une impression : il y a de plus en plus d’alcool dans le vin. En vingt ans, il est passé de 13° à 17°, un effet lié essentiellement à l’évolution du goût des consommateurs qui recherchent des vins de plus en plus fruités. Les raisins sont choisis plus mûrs, les grappes plus concentrées et le taux de sucre plus élevé du jus obtenu conduit les levures à produire plus d’alcool. Une équipe de recherche hispano-australienne a réussi à identifier une souche de levure sauvage, Mertschinovka pulcherrima, naturellement présente dans les raisins et capable de produire moins d’alcool que Sacharomyces cerevisiae, la levure qui transforme nos raisins en vin et notre blé en pain depuis toujours.

Certains reprochent au taux élevé d’alcool des vins actuels d’amener un risque plus important pour la santé  –une excuse parfaite pour boire moins mais mieux –  mais d’autres insistent sur le fait que l’alcool tend à écraser la complexité des vins. Emprisonnés dans le verre par une plus grande quantité d’alcool, les arômes semblent se diffuser moins bien dans l’air, et donc jusqu’au nez du dégustateur.

soleil et alcool

Il est toujours possible d’interrompre la fermentation des levures en ajoutant de l’alcool, une technique utilisée dans les vins mutés à l’eau de vie comme le Pineau des Charentes ou dans les vins naturels mutés à l’alcool pur comme le Rivesaltes. Cette technique empêche les levures de consommer tout le sucre du vin mais ne peut évidemment pas être utilisée pour produire des vins secs. De nombreuses équipes sont donc à la recherche d’une levure produisant moins d’alcool mais consommant tout le sucre issu des raisins. L’équipe qui vient de publier sa trouvaille a préféré chercher une levure déjà présente dans l’environnement des vignes plutôt que de passer par le processus long et coûteux de sélectionner ou de modifier génétiquement une souche de S. cerevisiae. En démarrant la fermentation avec M. pulcherrima avant d’ajouter la levure traditionnelle, les chercheurs ont produit un vin contenant 1,6% d’alcool en moins à partir d’une Syrah et 0,9% à partir d’un Chardonnay. Ils constatent également que la modification de l’équilibre chimique est favorable à une plus grande complexité aromatique, notamment grâce à une moindre concentration en acides volatils, générateurs d’odeurs désagréables. Ils ont cependant observé, dans le Chardonnay, une concentration élevée d’acétate d’éthyle qui peut donner une odeur de dissolvant, un trait tout à fait inacceptable.

Des viticulteurs australiens semblent déjà intéressés par la nouvelle levure, qui pourrait les aider à contrôler les effets d’un soleil parfois trop généreux de l’autre côté de la planète. Les producteurs français seront sans doute moins tentés : leurs vins bénéficient plus de l’effet terroir et subissent donc moins la pression des consommateurs sur le seul aspect fruité de leur production.

Il existe bien entendu des vins plus artisanaux dont la fermentation démarre sans aucun ajout de levures, seules les levures indigènes présentes dans les vignes et dans les chais sont autorisées dans les cuves de fermentation !