Oui, on peut cuire le vin, et oui, c’est délicieux. Bien que très populaire au début du siècle dernier, il est tombé en désuétude dans les années 1960 et 1970, jusqu’à ce qu’une vingtaine de vignerons de Pays d’Aix, lui redonne un son second souffle il y a quelques années. Trois Fois Vin vous emmène en Provence, sur les traces d’un vin ancestral et étroitement lié à la tradition de la veillée de Noël : le vin cuit.
Elaboration du vin cuit
Après avoir foulé ou pressé les raisins, le moût est cuit dans un grand chaudron, en inox ou en cuivre, au feu de bois de chêne. Il faut une surveillance attentive lors de cette cuisson, afin d’éviter une trop forte caramélisation. Le procédé a pour effet d’obtenir, sans bouillir, une évaporation homogène et donc une concentration des jus avant sa fermentation alcoolique.
Quand la moitié des jus est évaporée, on laisse refroidir. Ils sont sont ensuite placés en cuve pour une lente et très longue fermentation naturelle qui peut durer entre 2 semaines à 3 mois. Le vieillissement en fûts de chêne l’amène ensuite, à maturation au bout d’1 à 5 ans. L’équilibre final s’obtient à entre 14 et 15% d’alcool et environ 90 gr de sucres résiduels (les sucres encore présents dans le vin après fermentation). Ce sont donc des vins assez sucrés.
Dégustation du vin cuit
Le vin cuit est un vin doux et léger à la teinte orange ambrée. Son nez est souvent très expressif sur le caramel, les agrumes, et les pruneaux. En bouche, il est d’une grande complexité aromatique qui va du pruneau aux fruits secs en passant par le coing et l’abricot, et aux douces saveurs de fruits confits. Une belle longueur, en finale, portée par les fameuses notes de fumé provenant de la cuisson au feu de bois.
Il se savoure à 10-12 °C en apéritif sur un melon, ou du foie gras ou avec les desserts, tout particulièrement le chocolat, les tartes, les confiseries, et les desserts aux fraises, framboises, cerises et autres fruits rouges. Il fait aussi un beau mariage avec les fromages comme le Roquefort, le bleu des causses, le gorgonzola et les chèvres. Les cuisiniers aiment aussi utiliser le vin cuit pour déglacer les viandes.
Ne pas confondre
Attention, le vin cuit, n’est ni un vin chaud, ni un vin muté. Le Porto, le Sherry, le Marsala de Sicile ou le Maury par exemples ne sont pas des vins cuits. Leurs arômes, que l’on peut qualifier de cuits, viennent de raisins très mûrs ou de l’oxydation.
Les 13 desserts
En Provence, le soir de Noël, la grande table familiale était (et est toujours ) de rigueur. Il était alors d’usage de la dresser avec 3 nappes blanches superposées de 13 desserts. Cette table représentait le repas de la Cène, avec le Christ et ses apôtres. Les 13 desserts étaient offerts aux invités qui piochaient dans un peu de chaque. Les 3 nappes blanches accueillant 3 bougies représentaient la Sainte Trinité (le Père, le Fils et le Saint-Esprit) et le chiffre 13, le Christ et ses 12 apôtres. Les desserts représentaient le pain, le vin cuit évidemment le vin (le sang du Christ).
Ce breuvage est le roi de la table des 13 desserts composés entre autres, de mendiants, de gibassier (galette originaire de Provence ressemblant à la fameuse pomme à huile), de calissons, de nougats, de dattes, etc. Il constituait aussi un réconfortant au retour de la messe de minuit, donc le 24 décembre, où on en jetait quelques gouttes dans la cheminée pour raviver le feu.
Crédits photos: Vin cuit: Château Virant / 13 desserts: chretiensaujourdhui.com
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