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Trois Fois Vin joue à Cache-cache avec le domaine Carrière Pradal

Les 60 hectares du domaine Carrière Pradal situés entre Béziers et Pézenas sont aujourd’hui aux mains de la 7e génération sur des terroirs en AOP Languedoc et IGP Pays d’Oc. Depuis 40 ans, Catherine Carrière Pradal, accompagnée aujourd’hui, de ses fils Baptiste et Clément, a progressivement lancé un projet en agroforesterie de grande envergure sur le domaine. Aujourd’hui, Trois Fois Vin s’associe à la famille pour proposer aux abonnés des box Tastevin et Buissonniers d’octobre 2022, une cuvée réalisée à 4 mains avec la famille Carrière Pradal. Rencontre avec Claire Carrière, épouse de Clément.

Claire, parlez-nous du travail que Catherine a débuté depuis plus de 40 ans sur le domaine Carrière Pradal.

Catherine était déjà précurseur sur le domaine dans la culture de la vigne en bio depuis plus de 20 ans. Pour elle, le bio était une évidence. De façon personnelle, elle s’intéresse aussi beaucoup à la permaculture depuis de nombreuses années. Elle s’est donc dit qu’il fallait aller plus loin que le bio, sur son domaine, c’est comme ça qu’elle s’est penchée sur l’agroforesterie.

Aujourd’hui le domaine est en agroforesterie ?

L’idée de l’agroforesterie, c’est de faire pousser différentes plantes, arbres, arbustes au sein de la zone des vignes pour qu’ils travaillent en symbiose. Au départ, cela consiste à diversifier les cultures sur les bordures des parcelles de vignes, mais nous, nous allons plus loin et nous pratiquons l’agroforesterie en intra-parcellaire. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, toutes les 13 à 15 rangées de vignes, nous supprimons une rangée de vignes pour y instruire à la place des essences de plantes locales. 

Quels en sont les avantages ?

Planter des arbres dans les rangs de vignes permet d’apporter, entre autres, de l’ombrage aux vignes, mais aussi des points de repères pour les oiseaux et faire revenir une faune importante. Sur un paysage monocultural, les oiseaux ont tendance à s’en aller. Ils ont besoin de points de pause et de dépose, donc d’avoir des arbres au cœur des parcelles, permet de créer des nichoirs à oiseaux naturels. Nous avons aussi planté des arbustes de types églantiers, grenadiers, également des plantes directement au sol et mellifères comme le romarin, et la lavande. Nous possédons deux ruches au domaine, et des apiculteurs viennent apporter leurs ruches quand la période est plus prolifique.

C’est vrai que l’agroforesterie au domaine est très spécifique. Cela représente une vingtaine d’hectares sur les 60. À l’échelle où nous le pratiquons, je pense que nous avons 20 hectares en intra parcellaire, c’est énorme et surtout, c’est novateur. Peu de vignerons font cela, ils débutent le plus souvent les bordures sans aller jusque dans les parcelles. Il faut se dire qu’au départ, nous avions quand même une grosse incertitude, puisque cela représente aussi une diminution de la superficie de vignes, donc une baisse de la rentabilité. 

D’autres vignerons s’inspirent-ils de vos pratiques ?

Oui, aujourd’hui cela interroge beaucoup. Nous avons fait une journée portes ouvertes en octobre dernier, et une trentaine de vignerons sont venus. Beaucoup souhaitent aller plus loin dans leur démarche environnementale.

En plus de cette agroforesterie et de la culture bio, le domaine va-t-il plus loin encore ?

Oui, en amont, Catherine avait déjà diversifié les cultures, avec 3 hectares d’olivier, 3 hectares de grenadiers et 1 hectare de chênes truffiers

Dans un contexte de dérèglement climatique, l’agroforesterie est-elle une possible réponse ?

Entre les gels et la sécheresse, il y a un objectif aussi à ce niveau-là bien sûr. On espère avoir un effet limité du gel sur des parcelles où il y a de l’agroforesterie. Aussi, en épisode de canicule et de sécheresse, les arbres apportent de l’ombre à la vigne et évitent leur évapotranspiration. Et puis le but premier est aussi de ramener une plus grande biodiversité sur le domaine, plus d’insectes différents donc plus d’oiseaux pour lutter aussi contre les ravageurs de la vigne. Enjeu d’entretien des sols aussi, le système racinaire redevient naturel, la vigne se développe mieux. Quand les feuilles des arbres tombent, ça ramène aussi de la matière organique naturelle. Nous souhaitons recréer un système qui puisse s’autogérer par lui-même. 

Souhaitez-vous continuer à développer cela dans les années à venir ?

Oui, avec Baptiste, nous avons une dynamique d’aller encore plus loin et par exemple nous allons planter dès l’automne prochain, 1 km de linéaire supplémentaire en intra-parcellaire. Maintenant, nous arrivons à un point où nous savons théoriquement tous les bienfaits de l’agroforesterie, mais nous allons nous faire accompagner par l’Association Nationale d’Agroforesterie pour mesurer véritablement l’impact sur une parcelle en agroforesterie VS une parcelle sans, afin de pouvoir comprendre encore mieux comment le système s’autogère et ce qu’on peut en conclure, quelles essences mettre plutôt que d’autres etc…

En 2023, Catherine souhaite également planter des plaqueminiers (kakis). 

Claire, quel est votre rôle au sein du domaine ?

J’étais ingénieure en agriculture au départ, puis j’ai travaillé 10 ans en agro-alimentaire. Je suis mariée au second frère, Clément. Je viens en bras droit de Baptiste pour la partie commerciale et marketing et surtout mettre en avant tout le travail sur la partie agroforesterie.

Comment avez-vous rencontré Marie-Dominique Bradford de Trois Fois Vin ?

J’avais contacté Marie-Dominique il y a un an, pour lui présenter le domaine. Elle a été sensible à nos engagements environnementaux. Elle aime faire découvrir des domaines de petite taille avec des parcours spécifiques et des engagements forts. Nous avions des approches et des buts en communs. Elle a dégusté nos cuvées qu’elle a appréciées et nous avons fait une diffusion en février dernier sur une de nos cuvées rouges, Troglodytes. Je suis venue voir les équipes de Trois Fois Vin à Paris au printemps dernier et je lui ai demandé si elle faisait des cuvées spécifiques à Trois Fois Vin. J’avais en tête une de mes cuvées avec des profils différenciants. Sur le papier, elle a été séduite et après dégustation, encore plus ! Nous avons donc travaillé tous ensemble sur cette cuvée et sur l’étiquette aussi, pour en faire ressortir les codes de l’agroforesterie et les codes spécifiques aux deux maisons Trois Fois Vin et Carrière Pradal. C’est une cuvée exclusive pour Trois Fois Vin et ses clients ! 

C’est un blanc 2021 en ….. (IGP ? ) , « Cache-Cache », pourquoi ce nom ?

Il y a une double signification. La première, c’est celle de Trois Fois Vin, aller à la découverte et dénicher des petits vignerons confidentiels, discrets et « cachés » et engagés, aux méthodes de travail spécifique et la seconde, c’est le cache-cache des petits animaux et insectes par rapport à l’agroforesterie.  

Parlez-nous de cette cuvée Cache-cache.

La cuvée est issue de cépages autochtones comme le grenache blanc, la clairette, le bourboulenc, et un peu de viognier. La clairette et le bourboulenc sont des cépages que nous avons replantés sur le domaine il y a peu. Notre dynamique est que si nous devons arracher certaines parcelles, nous tentons de réintroduire des cépages autochtones ou oubliés. Le domaine a aujourd’hui 25 cépages différents pour pouvoir sortir un peu des sentiers battus. Du coup, ce cache-cache est un vin au profil différent avec de belles notes fraiches de pêche, melon, abricot avec une petite touche de fleurs d’oranger. À l’apéritif, elle est parfaite. Elle peut aussi aller sur un plat puisqu’elle a une belle complexité aromatique donc pourquoi pas sur une volaille à la crème par exemple.

Vous avez débuté les vendanges, comment se profile ce nouveau millésime ?

Nous avons commencé nos vendanges mercredi dernier* sur nos sauvignons. En termes de volumétrie, nous sommes mieux que sur 2021 parce que nous avions beaucoup souffert, à cause du gel. Cette année, c’est la sécheresse qui commence à nous handicaper. Les vendanges sont très précoces avec au moins 15 jours d’avance. Nous avons effectué une première cuve de sauvignon au profil très sympa, puis une seconde. Ce ne sont que deux premières cuves, mais ça s’annonce plutôt bien, même si les raisins sont un peu petits avec la sécheresse justement. Cela va sans doute nous faire travailler des complexités aromatiques différentes. Nous sommes au début de l’histoire 2022…. 

Photos: Domaine Carrière Pradal
Photo de Une: Clément et Catherine Carrière Pradal

*interview réalisée le 16 août 2022

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